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Bien sans bien

  • Capucine
  • 3 nov. 2017
  • 4 min de lecture

Je me suis rendu compte que j'était enceinte l'année dernière à cette période même, j'avais 20 ans. Je savais que j'avais fait une connerie les semaines d'avant sans me protéger grâce à mon calendrier de cycle. Je me suis longuement (en réalité c'est de l'ordre de la semaine, mais elle m'a parue interminable, comme toute cette période) voilé la face en me disant que mes règles n'arrivaient pas à cause du stress. Je prend quand même l'initiative d'acheter un test de grossesse en pharmacie - tâche difficile dans une toute petite ville où seulement une pharmacie est ouverte par jour à des horaires où j'avais cours. J'arrive finalement à m'en procurer un au bout de quelques jours. Le résultats n'était pas clair - qui aurait pensé que c'était possible ? Ah ! Me faisant espérer un peu plus que ce retard n'était dû qu'au stress et rien d'autre bien que les chances que ce soit le cas me paraissent de plus en plus minces, faute d'évidence. Je vais alors chez le médecin pour qu'il me prescrive une prise de sang. Il se permet des regards réprobateurs quand je lui dis que je pense être enceinte. Il me demande alors pourquoi je ne prend pas la pilule avec un ton sous-entendant que bien-évidemment toutes les femmes doivent prendre la pilule. "C'est un principe, je veux pas prendre d'hormones". Et lui de répondre "Eh ben quand on a des principe on les tient jusqu'au bout" sèchement. C'était gratuit, ça m'a fait mal, mais c'est je crois la seule remarque de ce type à laquelle j'ai eu le droit. J'ai alors fait de nombreuses prises de sang (heureusement le seul centre d'analyse de la région se situait à à peine un kilomètre de chez moi). J'avoue que je ne sais pas pourquoi, j'étais tellement déboussolée et enfermée sur moi-même que j'ai eu du mal à suivre les événements de cette période. Tout m'a paru infini alors que j'ai été prise en charge rapidement. J'avais peur. Peur du regard des gens, peur du regard que j'avais pour moi-même, peur que ça ne puisse pas se faire, que ça ne marche pas. Que ma vie ne soit pas celle que j'ai choisie. S'en suivent alors les visites à l’hôpital pour l'échographie. J'ai eu énormément de chance que cette ville soit équipée d'un planning familial au sein de l'hôpital car sans permis et avec la "vraie" ville à 45 minutes de chez moi, je n'aurais rien pu faire. Du moins seule et aussi rapidement. C'est alors la première fois que je vais voir un gynécologue. Je n'ai pas osé lui dire. (Quelle surprise de faire une échographie endovaginale). C'est un homme. Ni agréable ni désagréable. Juste professionnel. Le plus stressant et perturbant à chaque venue c'est l'attente. Etre confronté à soi-même. Totalement, sans pouvoir se détacher puisque les posters autour de moi parlent de contraception, de l'évolution de la grossesse ou de bébé, de devenir maman, les livres d'allaiter son enfant, des produits à lui donner, etc. (vu que le planning était concentré dans le service gynécologie de l’hôpital). Les personnes qui m'ont prise en charge là-bas ont toujours été très conciliantes avec moi. Très douces. À part le premier gynécologue, ce n'étaient que des femmes. A me demander si je comprenais bien ce qui se passait et ce qui allait se passer. J'ai eu droit à tout ce que je voulais. Je n'en espérais même pas tant. J'étais trop déconnectée de la réalité et du moment présent que je ne me suis pas rendue compte de la chance que j'avais.


L'unique chose que je pourrais reprocher c'est le manque de suivi psychologique. À aucun moment on ne m'a demandé comment je vivais la chose. Ou même si ça allait bien. Je m'étais longuement renseignée sur internet. Je savais que les personnes pratiquant une IVG avaient le droit à un suivi. J’espérais à chaque visite qu'on m'en propose un. Je l’espérais tellement fort ! Trop faible, ou trop fière je ne sais pas, pour en demander un. J'étais seule. Entièrement seule dans mes tourments. À ressasser les mêmes choses en boucles. C'est rigolo parce que je pensais que tout serait fini une fois l'IVG passée. Mais non. J'ai eu des/mes règles pendant deux mois par la suite (très abondantes par rapport à d'habitude). Mon corps ne m'appartenait plus. Et j'avais ces règles omniprésentes ne faisaient que me rappeler ce qui s'était passé. J'y pensais tous les jours, toutes les heures. J'avais l'impression que cette IVG faisait de moi une autre personne et que c'était l'unique chose que me définissait. L'acte en lui-même, je savais que je le voulais. Je savais, à force de renseignement et de lecture de témoignages, comment cela se passait. Je n'avais pas réellement peur quand j'ai vu que des personnes étaient là pour moi (médicalement parlant). Tout s'est déroulé tellement facilement pour moi que je n'ai pas vraiment réalisé ce qui se passait. Mes seuls obstacles venaient de moi-même face à cette situation. Mais c'est un autre sujet ! C'est tout pour moi. Sinon je trouve super cette initiative. Bisous à toutes les filles ! (et les garçons qui les accompagnent). On est fortes, peu importe ce qu'on peut nous dire, peu importe ce qu'on peut nous faire ! <3

 
 
 

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© 2017 par Marinette

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