Mon témoignage
- Alice
- 4 août 2017
- 4 min de lecture
Je suis tombée enceinte à 21 ans, il y a 4 mois. J'étais avec mon copain depuis 2 mois quand on a appris que j'étais enceinte. Il a été très présent pour moi. On avait déjà parlé de l'avortement et pour nous c'était évident que j'allais avorter. J'en ai parlé le soir même à mes parents et ils ont été très compréhensifs. Ils ont compris, tous les trois (mon mec et mes parents) et heureusement. A l'époque j'étais en stage (je suis étudiante infirmière) loin de chez moi. J'avais une semaine de vacances une semaine après avoir appris ma grossesse. Le lendemain de mon test de grossesse j'ai appelé la clinique de la ville d'habitation de mon copain puisque je passais les vacances chez lui.
La secrétaire du gynéco que j'ai appelé m'a donné rendez-vous 8 jours après, le mardi à 11 heures. Je lui ai dit que je voulais avorter et demandé des renseignements. Elle m'a répondu que le gynéco allait tout m’expliquer au moment du rendez-vous. Finalement ce n'était pas un rendez-vous mais une consultation avec un gynéco de garde en retard. Premier arrivé, premier servi. Quand vient mon tour, j'explique mon cas au gynéco. Il me fait directement l'échographie, m'indique mes 7 semaines aménorrhée. Il imprime les échos, et m'annonce que je ne pourrai pas avorter dans la clinique puisque les deux (seulement) gynécos qui le font sont en vacances. Il me dit quand même que je peux aller au CHU, qu'ils pourront m'avorter tout de suite.
L'après-midi, je me présente au CHU, devant une secrétaire médicale. Je lui explique ma situation. Elle m'envoie balader et me dit qu'elle n'a pas de rendez-vous avant une semaine, que je vais devoir attendre et que je serai avortée manuellement (alors que je SAIS que je peux avorter par voie médicamenteuse). Je me mets à pleurer car tous ces obstacles, ma semaine seule sur mon lieu de stage et ma situation de femme enceinte me foutent les boules. Je ne suis cependant pas prête à abandonner. Je reste assise dans la salle d'attente jusqu’à ce que le médecin me reçoive. Je lui explique que je n'ai que quelques jours pour avorter. Elle m’explique alors que je suis irresponsable, que je devais prendre rendez-vous avant, que je ne peux pas avorter à la va-vite et que je dois attendre 8 jours pour avoir un rendez-vous. Finalement, je me résigne à accepter, à rater 3 jours de mon stage, quitte à ne pas le valider.
Mon mec ne veut pas me laisser dans cet état. Il décide d'en parler à sa mère qui est sage-femme et elle nous indique un confrère qui pourra nous aider. Ce dernier, en vacances, nous renvoie vers sa collègue qui le remplace. Le lendemain (le mercredi), je me pointe à son cabinet, sur la défensive, prête à affronter toutes les critiques. Et à ma grande surprise elle est extrêmement gentille. Je n'ai pas à lui expliquer toute l'histoire, lui dire que je n'ai que quelques jours pour avorter suffit. Elle m'explique que je dois revenir le jeudi pour prendre le premier médicament et que je prendrai le deuxième chez moi le samedi. On discute aussi de ma future contraception. Le premier médicament de me fait rien, pas de douleurs ni de contraction. En revanche, le samedi je dois prendre trois fois deux cytotec à trois heures d'intervalle. Ce sont les pires heures de ma vie. J'ai mal, très mal, sans pouvoir faire passer cette douleur. Je passe une heure aux toilettes à me vider par tous les orifices. Comme le dit une femme dans les témoignages, je vomiv de douleur pour la première fois. Au bout d'un moment je réussis à m'endormir d'épuisement. Après une heure et demie de sieste, j'expulse l’embryon. Ouf, c'est fini ! Je douille encore pendant toute la journée.
Deux jours après, j'ai du avoir une injection d'anti-anticorps rhésus +. Je suis O - et mon mec de rhésus +, c'est pour que lors de mes futures grossesses, mon corps accepte le rhésus+, en gros. Une semaine après mon avortement, je suis retournée voir ma gynéco pour ma pose de stérilet. Finalement il restait des tissus dans mon utérus et elle a du m’insérer 2 cytotecs dans le vagin pour tout expulser. Et c'était reparti pour un deuxième avortement. Youpi tralala ! Mais au moins, là c'était fini. Un mois après mon avortement, je me suis fait poser mon stérilet.
Au moment de mon IVG, j'étais tellement absorbée par le temps qui passait que j'avais l'impression de bien le vivre. Finalement je suis très contente d'être née en France, d'avoir pu avorter en France. Seulement je ne pensais pas avoir à subir cette épreuve et (excusez-moi du terme) ça me fait chier d'avoir à vivre ça. Je veux des enfants, c'est clair, mais ce n'était pas le moment. Une phrase que m'a dit mon mec m'a marquée "J'ai toujours pensé que la première fois qu'on me dirait "je suis enceinte" serait la plus belle nouvelle de ma vie". Elle résume mon émotion en ce moment quand je repense à mon IVG. En revanche, avec le recul, nous nous sommes dit que, quand (et si) nous attendrons un enfant, ce sera un moment encore plus fort ! Pour finir, je n'aurais pas pu vivre tout ça si bien sans mon mec, mes parents et mon frère. Je remercie tous les jours en pensée cette gynéco qui a su faire son job comme il fallait, et surtout, je remercie Simone Veil pour ce qu'elle a fait pour nous, femmes qui étaient, qui sont, et qui seront en détresse.
Comments