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Un choix difficile mais je n'ai pas honte

  • Marylise
  • 2 août 2017
  • 8 min de lecture

Je m’appelle Marylise et je m’apprête à fêter mes 30 ans demain. Je souhaite également témoigner à propos de ce sujet qui peut être tabou alors qu’il ne devrait pas l’être. Cela fait maintenant deux ans que je suis avec mon copain et tout se passe bien (et je croise fort les doigts et les orteils pour que ça continue toute la vie comme ça). Fin février de cette année, je suis allée faire une surprise à mon copain habitant en Belgique tandis que moi j’habitais dans le Sud de la France. Ce jour-là devait également arriver mes règles. Ça n’a pas été le cas alors que j’avais fini ma plaquette de pilules une semaine avant. J’ai commencé à m’inquiéter un peu. Nous relativisions en disant qu’il pouvait y avoir un peu de retard, mais je savais intérieurement qu’il y avait anguille sous roche. Enfin un polichinelle dans le tiroir plutôt. J’en ai eu la confirmation avec le test de grossesse quatre jours plus tard. Avant même de savoir que c’était positif, j’avais dit à mon copain que je ne voulais pas d’enfant, pas pour l’instant. Notre situation était particulière, je le rappelle : lui habitait en Belgique, moi je ne l’avais pas encore rejoint et j’étais au chômage, nous étions en pleine recherche d’appartement et nous préparions mon déménagement. Quand j’ai vu le test, mon cerveau s’est vidé. Je ne savais plus quoi penser, quoi décider. Mon copain ne s’y attendait pas et nous en avons discuté, encore et encore. J’avais l’impression qu’il ne voulait pas non plus décider et qu’il voulait que je le fasse pour nous deux, à sa place car il ne disait pas grand-chose lorsque je revenais à la charge. Lui aussi en souffrait. Il m’a dit que la décision est importante et que c’est vrai que c’est moi qui portais l’enfant. Donc il était prêt à accepter de garder cet enfant comme de le perdre. Nous avions des arguments pour le garder comme pour ne pas le garder. Si on le garde, on se débrouillera et on l’aimera. Si on ne le garde pas, ce n’est pas grave, on fera le bon dans deux ans ou quand ça nous retombera dessus. Mais malgré cela, le doute a persisté et j’ai pleuré à chaque discussion.

Je me suis renseignée sur Internet pour connaître les délais légaux pour pratiquer une IVG. Je suis allée consulter sans rendez-vous un médecin en Belgique pour avoir plus de renseignements et surtout savoir depuis combien de temps j’étais enceinte. Sans date, nous ne savions toujours pas quelle décision prendre. Le docteur nous a indiqué les précautions à prendre du point de vue alimentaire, quel coût aurait l’intervention si je ne voulais pas garder l’enfant. Sans aucun jugement, sans forcer la décision. Elle avait même tenté de me placer dans un planning familial pour faire une échographie de datation pour me rassurer. Je n’ai pas pu me faire ausculter avant mon retour en France alors j’ai appelé un centre médico-social de ma ville pour être prise en charge rapidement. Une sage-femme m’a expliqué la marche à suivre et dirigé vers le planning familial le plus proche avec mes horaires.

Une semaine s’était écoulée depuis que nous savions que j’étais enceinte et mon retour en France, je n’en avais pas parlé à ma mère. C’est venu sur le tapis quand elle m’a demandé si j’avais eu mes règles. Elle savait que j’avais eu un rendez-vous chez mon gynéco au début du mois de février pour un contrôle et un renouvellement de pilule, j’avais eu très mal aux seins pendant tout le mois et une réflexion curieuse de la part du docteur : « Vous avez des règles abondantes ? Votre utérus est plus gros que la moyenne. » Elle s’y attendait sans s’y attendre. Je lui ai raconté les démarches faites sans que nous ayons pris une décision finale. Ma mère est passée par l’IVG également, dissimulée pendant des années sous le terme de fausse couche. C’est après en avoir parlé avec elle que j’ai décidé que je voulais aller au bout de ma démarche.

Je me suis présentée à la première heure dans le planning familial indiqué, je me suis sentie mal à l’aise lorsque l’infirmière m’a demandé très désagréablement ce que je venais faire. J’ai expliqué ma situation et j’ai attendu mon tour. Un docteur m’a reçue avec un interne et j’ai réexpliqué ma situation en donnant plus de détails. Mes dernières règles dataient de début janvier, je n’avais pas eu de rapport depuis mes règles et mes retrouvailles avec mon copain, mon passage chez le gynéco pour le contrôle. Et là, la pression monte. Le docteur voit bien que je me mets à stresser rapidement, je fonds en larme. Elle me rassure en me disant que ce n’est pas grave, que tous les jours elle voit des femmes dans mon cas. Elle me fait faire un test de grossesse qui réagit tout de suite, pas de doute possible sur mon état. Elle m’explique les deux IVG possibles, la médicamenteuse (des médicaments à prendre pour forcer l’expulsion) et la chirurgicale (chirurgie ambulatoire). Avec toutes les données, elle affirme que je suis enceinte de moins de sept semaines mais il faut faire des prises de sang et l’échographie de datation pour tout confirmer.

J’avais pris le rendez-vous pour l’écho en avance pour l’avoir le lendemain et je devais aussi en prendre un dans le service de gynécologie de l’hôpital à côté. Tout s’est passé en une semaine. Lundi visite au planning familial + prise de sang. Mardi échographie de datation avec la vessie prête à exploser. J’étais à neuf semaines. Mercredi, j’attends plus d’une heure après mon arrivée au rendez-vous pour qu’une sage-femme me prenne en charge, le stress monte. Elle me réexplique calmement ce qui va être fait suite à tous les éléments en sa possession. Je cours entre ce service et l’accueil de l’hôpital pour préparer mon hospitalisation future. On me prévient que je dois rencontrer l’anesthésiste en chef maintenant car je serais opérée en urgence le vendredi. On me donne les médicaments pour provoquer la dilatation et l’ordonnance pour la Bétadine pour me préparer ainsi que les instructions. Douche intégrale à la Bétadine rouge le soir et le matin de l’opération juste le corps, le comprimé à prendre 2-3h avant l’entrée à l’hôpital, ne plus rien manger à partir de minuit et jusqu’à la sortie du bloc. Jeudi on me prévient que je dois me présenter à 7h à l’hôpital avec tous les documents remplis et la personne de confiance qui doit m’emmener et me chercher. Ma mère et mon copain sont prévenus. Ma mère fera le déplacement, elle habite à 45min de chez moi. Mon copain prend un congé exceptionnel pour prendre l’avion et être là à ma sortie de l’hôpital dans l’après-midi.

Jour J, je me crois détendue. Je patiente avec ma mère en plaisantant jusqu’à ce qu’on m’appelle. Je prends le doliprane et l’anti vomitif, difficilement car le stress monte et les médicaments sont affreux. J’ai un bracelet qui récapitule mon identité, histoire qu’on ne me perde pas dans un couloir. Ma mère rentre chez moi tandis qu’on me demande de me déshabiller pour ne mettre que la culotte en papier, blouse chirurgicale, charlotte et chaussons. A partir de là je n’ai plus aucune notion du temps. Je ne sais pas combien de temps j’ai passé seule dans la chambre avec cinq autres lits vides. Je suis isolée pour qu’on respecte mon intimité et celle des autres personnes qui pourraient arriver. Une autre patiente arrive, visiblement pour autre chose. L’infirmier en profite pour prendre de mes nouvelles, si j’ai besoin de quelque chose dans mes affaires qui sont sous clé. Enfin on me fait descendre au bloc, je vois beaucoup de personnes dans les couloirs. Chaque personne qui se présente à moi me demande comment je m’appelle et quand je suis née. Je me suis dit que c’était pour vérifier si j’étais bien la bonne personne. Ça m’a fait un peu rire dans ce genre de situation. Puis la dernière personne qui m’a accompagnée me dit que nous devons attendre que son collègue termine de préparer le bloc et me demande si j’ai pris tel et tel médicament. Je ne suis pas dans le milieu, je trouve dommage qu’il ne fasse pas une approche plus simple. On me fait rentrer dans le bloc, je parle un peu avec l’anesthésiste qui va surveiller mes constantes et me prépare l’intraveineuse. Je commence à trembler de froid. J’ai l’impression d’être crucifier à l’horizontale avec les pattes écartées dans une glacière. On me met un peu de chauffage sous les couvertures, ça va tout de suite mieux. Je plaisante avec l’anesthésiste le temps que le chirurgien arrive. Je vois que ça fourmille autour de moi, on me prévient que ça va commencer.

Je demande si je vais être consciente, on me répond que ça dépend. Je peux être réveillée ou bien m’endormir. J’ai juste le temps d’entendre la réponse que le plafond à commencer à tourner et j’ai fermé les yeux. Je me suis réveillée dans une tout autre salle, le corps un peu lourd. Là encore impossible de savoir quelle heure il est, il n’y a pas d’horloge. On vient me voir, constate que je suis réveillée, si tout va bien puis je me redors un peu. On me ramène à la chambre, l’infirmier m’indique qu’il me portera mon petit déjeuner dans quelques minutes. Il me demande si j’ai mal, de 0 à 10. Je suis bien, à 1. Je suis juste fatiguée. Il m’apportera le plateau 1h plus tard, histoire de finir de dormir et de sortir un peu plus de l’anesthésie. Nous sommes deux personnes à avoir fait l’IVG ce jour, nous devions avoir la visite du docteur qui nous a opérées mais nous n’avons pas eu cette chance.

A la place, nous prévenons nos personnes de confiance et refaisons un bilan avec un docteur gynéco expliquant les risques que la paroi utérine se colle à cause de telle ou telle pilule, provoquant l’infertilité. Il en prescrit une autre pour un mois, le temps d’avoir mon contrôle à la fin mars. J’ai eu les pétoches à ce moment-là alors que j’étais complétement détendue. Je suis récupérée par ma mère et mon copain, je ne dois pas prendre le volant ni prendre de décision importante. Le lendemain, l’hôpital appelle pour savoir si tout va bien, si j’ai toujours mal ou si ça a empiré. Ce n’est pas le cas, j’ai juste l’impression d’avoir mes règles. Je prends un doliprane quand vraiment ça ne va pas et je dors avec une bouillotte.

J’aurais saigné bien 15 jours après l’opération. Après la fin de la pilule mon cycle était normale et j’ai repris ma pilule habituelle. J’ai attendu plus d’1h30 après mon arrivée à ma visite de contrôle pour juste 5 minutes d’entrevue avec la gynéco, échographie intra utérine incluse. Je m’en sors avec le sermon, sans doute habituel chez eux, de ne plus oublier ma pilule. Ma mère a mis au courant ma famille après mon opération pour éviter d’alarmer tout le monde. Au vu des entretiens vidéo sur le site, j’ai eu de la chance, beaucoup de chance d’être si bien encadrée. Même si je trouve regrettable de n’avoir pas vu le docteur qui m’a opérée, ne serait-ce que pour savoir si tout s’est bien passé, et d’avoir eu affaire à quelqu’un d’extérieur à l’opération (même si c’est son travail) qui m'a fait peur avec ces histoires de pilule qui provoque l’affaissement de la paroi utérine. Et manger un sermon à la sortie de mon contrôle.

Le principal est que je sois en pleine forme, ma pilule fonctionne très bien et je fais attention. L’ambiance a été détendue du début à la fin. Cette situation peut arriver à n’importe qui. Je n’étais plus sous pilule quand c’est arrivé mais connaissant mon cycle je pensais être à l’abri. La preuve que non. Nous avons découvert que j’étais tombée enceinte le premier jour du début de mes règles alors que j’avais eu un rapport non protégé deux jours avant. Tout ce que je peux souhaiter c’est que vous puissiez tomber sur des personnes aussi aimables que celles sur qui je suis tombée.


 
 
 

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