Merci bien chère gynéco
- Nobu
- 12 juil. 2017
- 4 min de lecture
Je suis tombée enceinte la première fois en 2015, à l'âge de 21 ans, suite à une rupture de préservatif. Pour éviter de prendre des hormones pendant ma (longue) période de célibat, j'avais cessé la pilule (que j'oubliais de toutes façons régulièrement) et n'utilisais que des capotes. Nous étions à l'étranger et je n'ai pas pu me procurer la pilule du lendemain. Quelques semaines plus tard, après une IVG médicamenteuse, je me suis fait prescrire la pilule. Au bout de plusieurs mois, je me suis rendu compte que ce moyen de contraception ne me convenait vraiment pas, j'avais un mode de vie assez décalé et j'oubliais le médicament bien trop souvent alors même que j'avais un petit ami et donc une vie sexuelle active. Lors d'un contrôle de routine chez ma gynécologue, je lui ai expliqué le problème, parlé de mon IVG pour enfin évoquer mon désir de changer de contraceptif. "Les femmes se sont battues pour avoir la pilule et maintenant ça ne vous convient plus ? Si vous voulez profiter de votre sexualité sans avoir à en assumer les conséquences, il va falloir prendre sur vous et faire un effort !" fut la réponse de ma gynéco. Sur le coup, je me suis sentie idiote et irresponsable, je suis repartie avec mon ordonnance de renouvellement de pilule sans avoir été capable de lui opposer quoi que ce soit. Trois mois plus tard, en 2016, j'étais de nouveau enceinte. Cette fois je m'en suis rendue compte tellement tôt que les médecins n'ont pas pu constater ma grossesse avec la première échographie, j'ai dû attendre une semaine que l'embryon se développe assez pour être visible et lancer la procédure d'IVG. À l'occasion de cette seconde IVG, je me suis rendue au planning familial de ma ville. J'ai été reçue par une personne charmante, à l'écoute. Lorsque j'ai commencé à faire l'exposé des raisons qui me poussaient à avorter, elle m'a interrompu en me disant que je n'avais pas besoin de lui expliquer, que c'était mon corps et ma vie, et qu'en aucun cas je n'avais à me justifier de ce choix.
Lorsque je lui ai parlé de la culpabilité et la honte que je ressentais d'être tombée enceinte deux fois à douze mois d'intervalle, elle m'a proposé d'envisager une autre méthode de contraception. Lorsque je lui ai parlé du discours que m'avait tenu ma gynéco elle s'est indignée: "Les femmes se sont battues pour le DROIT À LA CONTRACEPTION, et le droit de CHOISIR la contraception qui leur convient le mieux." Cette réponse m'a tellement bouleversée que j'en ai pleuré. Je n'ai pas pleuré parce que je me sentais coupable de me débarrasser de cette vie qui croissait comme une tumeur dans mon utérus, ni parce que c'était la seconde fois.
J'ai pleuré parce que justement, je m'en fichais (et m'en fiche toujours) royalement, que pendant le parcours du combattant qu'ont représenté pour moi ces deux avortements, j'avais renié tout ce que je pensais jusqu'alors : je m'étais confondue en excuses et justifications pour le premier IVG, j'avais laissé l'homme qui a pratiqué l'échographie me traiter comme une gamine irresponsable lorsqu'il a refusé de me montrer son écran (l'intérieur de MON corps) pour que je ne ressente pas de "remords" et surtout je m'étais laissé convaincre par le discours hors d'âge, infantilisant et culpabilisant de ma gynéco, convaincre de garder un contraceptif qui ne me convenait pas et qui avait entraîné une seconde grossesse.
Depuis le lycée, j'ai toujours été quelqu'un de très informé sur les différents types de contraception, les recours en cas de grossesse non désirée, et sur mes droits les concernant, et j'avais laissé quelque phrases d'individus inconnus, sous prétexte qu'il faisait partie du corps médical, remettre en question tout ça. Cette année, je ne suis pas tombée enceinte, je me suis fait poser un implant au moment de ma seconde IVG, ça reste des hormones mais c'est plus sûr que la pilule par rapport à mon mode de vie. Pendant ces moments compliqués, j'ai eu la chance d'être soutenue par mon petit ami, d'être soutenue par mes parents chez qui j'étais lorsque j'ai constaté ma seconde grossesse.
Je n'ai jamais regretté mon choix d'avorter, je n'ai jamais ressenti ni culpabilité, ni remords de m'être débarrassée de ces encombrants embryons, et ça c'est grâce à cette femme du planning familial qui, constatant ma détresse, m'a proposé son oreille attentive et son regard bienveillant. Qui m'a montré que je n'avais aucune raison de me sentir honteuse et m'a permis de me libérer du poids du silence en abordant le sujet avec mes parents. Qui m'a rappelé que ce n'est pas grave que je ne ressente rien vis à vis de "cette vie qui se développait en moi" (mots de ma gynéco, bien sûr) et que ce n'était pas "anormal" que je n'ai jamais ressenti de regrets. Cette femme, dont je ne connais même pas le nom, je ne pourrai jamais lui montrer l'ampleur de ma gratitude pour m'avoir remis les idées en place et m'avoir permis de vivre paisiblement ma vie de "femme qui a avorté".
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