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Un peu de bienveillance

  • Kiro
  • 18 juin 2017
  • 6 min de lecture

J'ai choisi de procéder à une interruption de grossesse il y a maintenant quatre mois. Je me suis levée un mardi matin avec un gros doute. J'avais un test vieux de cinq ans dans un tiroir de ma salle de bain, sait-on jamais, j'ai décidé de voir ce que ça allait donner. Un gros "Merde" à 6h30 du matin, après une nuit agitée. J'ai pris ma douche, des "merde" compulsifs sortant de ma bouche tout le temps qu'elle a duré. "En même temps il est périmé ce test". Mon compagnon se lève : "Mec, c'est la merde". Je lui tend le test, il a les yeux encore plein de sommeil, réveil brutal : "Merde." La journée s'est passée, mon copain écumant l'Internet mondial pour savoir si un test périmé peut vraiment se tromper quand c'est positif, la réponse est plus ou moins unanime : NON. On passe à la pharmacie le soir en rentrant, histoire de confirmer tout ça avec un test valide (en priant pour que ce soit négatif). Une fois à la maison, direction les toilettes : "Merde" C’était vraiment la merde, mon esprit s'encombrait de tout ce qu'il fallait lancer comme procédures, moi et ma passion pour l'administratif. j'errais sur le net, me renseignais comme je pouvais au boulot. Il était 18h passées, tout était fermé, impossible d'appeler les organismes dédiés. Je bossais toute la semaine, pas le temps de gérer ça sur mes heures de travail, tombant pile sur les heures d'ouverture des différentes structures, mon médecin traitant était en vacance, j'avais l'impression de devoir gravir une montagne.

Heureusement mon compagnon a été au top et s'est occupé des prises de rendez-vous, de courir après les contacts et les infos, rappeller quand il n'a pas posé les questions que moi je me pose... Je n'ose pas imaginer comme cela doit être compliqué quand on est seule et que l'on bosse. Finalement, j'ai réussi à arracher une ordonnance pour une prise de sang à mon médecin traitant, afin d'avoir ma carte de groupe sanguin. J'ai été au laboratoire à l'arrache, on était jeudi, mon rendez-vous au planning familial était le mardi après-midi suivant, il fallait se magner. Les dames du laboratoire d'analyses ont été adorables, mais au moment de la prise de sang "C'est votre premier ?", j'ai répondu, un petit sourire figé sur les lèvres "Oui, mais là c'est pas prévu de le garder". La dame a compris tout de suite et a été encore plus adorable (surtout que sur moi les prises de sang c'est la croix et la bannière), mais il y aura quand même ce petit malaise, à 27 ans, après tout, c'est "normal" de commencer à fonder une famille... Le lundi arrive, il faut que je pose mon après-midi du lendemain, à l'arrache, ça ne plait pas beaucoup à mon chef. J'arrive quand même à l'avoir, mon compagnon aussi, soulagement. Le lendemain arrive, nous étions devant le planning familial très en avance. Je me suis sentie soulagée dès que j'y suis rentrée, tout était calme, il n'y avait presque personne, et les gens étaient accueillants. Au moment du bilan avec la gynécologue, on fait le point sur ma contraception : j'avais un stérilet en cuivre, il y a peu de risque de tomber enceinte mais ça arrive. Elle m'a très clairement expliqué la suite des événement, il n'y a pas eu de surprise. J'ai aimé sa bienveillance. Nous avons fait l'échographie de datation (par voie interne pour voir quelque chose), j'étais à trois semaines environ, vu la taille de l'embryon, mais le stérilet n'était pas visible. Retour au bon vieux spéculum et recherche manuelle, pas de signe de stérilet, rien, nada. "Il se pourrait qu'il ait traversé la paroi de l'utérus et se balade dans votre abdomen, si c'est le cas il faudra vous faire opérer et on en profitera pour faire une interruption chirurgicale", mon compagnon, qui m’accompagnait, s'est décomposé, j'ai juste pu répondre "chouette, du deux en un". Après avoir rabâché une dizaine de fois à la question "Mais tu l'as pas senti partir ?" un "Non, pas du tout", la gynéco m'a prescrit une radio de l'abdomen et l'injection pour le rhésus sanguin. Nous avons réservé un créneau au plus tôt pour l’IVG, date à confirmer quand l'absence de mon stérilet en train de se balader dans mon corps serait avérée. La course reprise, nous avons couru vers le cabinet de radiologie le plus proche, heureusement, j'ai pu être prise en charge immédiatement, en 20 minutes c'était plié : non, pas de stérilet faisant de la rando du côté de mon gros intestin : OUF. J'ai recontacté le planning familial, le rendez-vous pouvait être validé, j'était attendue pour le mercredi suivant à 11h15.

Là, les choses se sont compliquées un peu, je commençais à avoir des nausée, cette sensation dès que je mangeais, d'être un lendemain de cuite. Je ne suis pas allée au boulot le jour J, prétextant une gastro, car je ne pouvais pas poser de jours, mon médecin traitant étant conciliant, il pouvait me faire une arrêt travail pour cette période sans problème, j'ai de la chance. Le mercredi je suis arrivée en avance, j'ai attendu un peu en salle d'attente, toujours aussi calme, une maman dorlotait son bébé dans sa poussette, il était très mignon, j'ai eu un léger pincement au coeur, sans plus. Une conseillère est venue me chercher afin de faire le point avec moi sur mon état, ma décision et m'expliquer ce qui allait suivre. Ma décision était prise sans hésitation, j'avais bien l'intention d'aller jusqu'au bout de la procédure. J'ai donc pris les premiers cachets, ceux "d'interruption" en présence de la gynécologue, on m'a fait l'injection pour le rhésus sanguin par la même occasion. Normalement il n'y a pas d'effets secondaires pour cette première prise de comprimés. Il faudra absolument que quelqu'un soit avec moi le jour de la prise des comprimés "d'expulsion", c'est-à-dire dans les 48 heures suivantes. Différents rendez vous doivent-être pris : une prise de sang pour vérifier le taux d'hormone et donc l'arrêt confirmé de la grossesse et une visite de contrôle, durant laquelle on en profitera pour me poser un nouveau stérilet. Le premier comprimé aura finalement des effets secondaire, j'étais vraiment mal, la gastro n'était pas si loin. Je n'aurais pas pu aller au boulot. Ma meilleure amie n'a finalement pas pu être là pour la journée "difficile", mon copain ne pouvait pas poser de jour, il a finalement été contaminé par ma prétendue gastro. Le jour de la seconde prise est arrivé, elle était prévue pour 10h, j'ai pris les anti-douleur en même temps, je me suis calée bien au chaud dans le canapé, mon copain à proximité. J'avais acheté le stock de serviettes ultra night. Vers midi, j'ai commencé à m'inquiéter, toujours aucune douleurs rien du tout. Mais vers 13h, ça s'est déclenché, comme des règles bien douloureuses, et je me dis que j'ai quand même pris ce qu'il faut pour atténuer la douleur. J'ai eu de grosses pertes de caillots de sang durant le week-end, et le reste de la semaine s'est passée comme si j'avais des règles assez abondantes. La deuxième semaine et les "spots" commencaient vraiment à s'estomper.

Finalement en analysant la situation, je regrettes surtout d'avoir du mentir sur la raison de mon absence, d'avoir fait passer ce moment pas évident, pour une "simple" gastro. Je trouve ça injuste, comme s'il s'agissant de quelque chose de honteux qu'il est nécessaire de dissimuler. A cette occasion cependant, j'ai pu découvrir la facette de deux amies, qui m'ont confié avoir elles aussi procédé à une IVG, et ma situation ma semblé tellement simple et aisée comparée à ce qu'elles ont vécu. Ce sont des petits bouts d'histoire secrètes qui m'ont permis de voir leur force et leur détermination. J'ai aussi reçu un grand soutien de la part de mes proches et amis dans la confidence et cela m'a beaucoup touché. Mon compagnon m'a révélé une facette qui m'a grandement rassurée concernant l'avenir, et pourtant cela fait six ans que nous sommes ensemble, les gens seront toujours une source d'étonnement, et je l'aime encore plus pour cela. Et surtout, parce qu'on ne nous le dit pas assez et que j'étais restée bloquée là dessus moi-même : le délais de réflexion d'une semaine n'existe plus depuis début 2016. Je ne sais pas si ce commentaire aura été vraiment utile, mais je pense que parler de notre expérience permettra de sortir de cette sorte de convention du silence, ce tabou étrange surtout à notre époque. Notre corps c'est notre choix, il faut le revendiquer, en être fière. Bisous.


 
 
 

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