Première opération...
- Jade
- 15 juin 2017
- 5 min de lecture
J'ai 20 ans et 11 mois et ça fait un peu plus d'un an que j'ai avorté. Je viens témoigner pour rajouter ma pierre à l'édifice et pour montrer la diversité des situations car, malgré le travail psychologique que cela demande (le choix, la procédure, l'opération...), après coup, je n'ai pas si mal vécu que ça mon avortement. Enfin, c'était pas le fun, soyons clairs, mais je me dis que je m'en tire pas mal contrairement à d'autres femmes qui ont mal été reçues. Et puis, j'ai eu un ami en particulier qui m'a dit "C'est pas grave. Ça arrive. Ça pourrait m'arriver à moi aussi avec ma copine. Tu es forte d'avoir vécu ça. Je te soutiens. J'espère que ça va aller." Et je pense que tout le monde devrait avoir quelqu'un de proche (ou pas d'ailleurs !) qui doit tenir ce genre de discours parce que punaise, ça fait du bien. Ça déculpabilise et ça soutient. Enfin, toujours étant que je suis tombée enceinte en mars 2016 après un rapport avec mon partenaire où la capote avait craqué. J'ai pris la pilule du lendemain pour la deuxième fois de ma vie à peine une heure après l'incident. Une semaine après (donc très rapidement), je l'ai su grace à des tests sanguins. Je devais partir en voyage avec ma mère, ma soeur et mon ex-copain mais ma mère est tombée malade (grippe à 40 de fièvre). Elle est tombée malade le soir avant le départ (on devait prendre l'avion pour l'Irlande... Chose qu'on ne peut pas se permettre tous les jours...) et, ce même soir, on a appris cette nouvelle-là. Les jours qui ont suivi, à la place de voyager à travers les contrées de l'île celtique, j'ai fait toutes les démarches plus ou moins seule (surtout seule, mon ex ne savait pas où se mettre). J'ai su où aller : au planning familial. La femme qui m'a accueillie a su avoir les mots justes, elle a insisté sur le fait que c'était ma décision, peu importe la famille, les amis ou la société, c'était mon choix. Après lui avoir a fait part de ma décision, elle m'a expliqué comment cela se passait. Qu'il y avait deux possibilités : le médicament (qui provoque les contractions) ou l'opération. Elle m'a donné toutes les coordonnées des hôpitaux qui pratiquent les avortements. J'ai pris rendez-vous avec l'hôpital et j'ai choisi une date.
J'ai eu un premier rendez-vous là-bas avant de partir finir mon BAFA à Barcelone. Le gynéco était un peu froid et "mécanique", j'ai eu un peu l'impression d'être un objet, les cuisses écartées et la sonde à l'intérieur de mon vagin, lui en train de regarder sur l'écran l'état intérieur de "ma machine", sans me parler, sans me regarder, juste à trafiquer je ne sais quoi sur l'ordinateur. C'était un moment froid et gênant, mais il a fait son taff. Il m'a expliqué comment tout allait être fait. Le rendez-vous était pris, j'allais me faire opérer trois semaines plus tard avec une femme gynéco de l'hôpital (qui, finalement le jour-J sera un homme... chose qui me gênait un peu). Avortement par aspiration, qui se passera très bien (anesthésie générale, première opération pour moi mais bon accompagnement).
Mais, du coup, trois semaines de grossesse en plus : nausées, conscience d'avoir quelque chose en soi, c'est un peu particulier... Moi qui suis un livre ouvert, ne pas en parler, c'était assez étrange. Surtout que je le cachais à mon père, ayant peur de sa réaction. Je lui ai dit juste avant l'opération. Il n'a pas trop réagi sur le coup. Il me laissait l'impression que c'était à moi de gérer ma vie. Et c'est ce que j'ai fait. Je suis allée à mon rendez-vous, accompagnée par ma mère, qui me soutenait. Alors que j'avais des nausées et donc que je vomissais, ma mère s'est mise à pleurer. Elle m'a dit "Ma petite fille, je n'ai pas réussi à te protéger de ça. Je suis désolée." Le contrario de mon père en somme. Mais je l'ai rassurée "Tu sais maman, tu n'es pas impliquée dans ça... Ces choses là ça se fait à deux, et tu n'étais pas là quand on l'a fait, ahah ! En plus, tu m'as toujours bien prévenue que dans la famille on tombe enceinte rien qu'en regardant les mecs dans les yeux ! J'ai fait le nécessaire, je me suis protégée, mais tu sais, ça arrive, et tu n'y es pour rien".
En fait, en même temps qu'elle, j'essayais de me rassurer. Mais je le pensais vraiment. Et je le pense toujours. Cette affaire, ça se fait à deux ! Quand je l'ai annoncé un peu plus tard à une amie, elle a réagi en me disant "mais pourquoi tu ne t'étais pas protégée ?" Mais ça se fait à deux ! On s'est protégés ! On n'est pas obligé de tout endosser, les femmes... C'est mon choix si je prends la pilule ou pas, les capotes à l'époque avec mon partenaire ça suffisait ! Et c'était mon choix d'avoir arrêté la pilule parce que hormones et tout l'tintouin ! Soyons responsables et libres de nos actions. Arrêtons de culpabiliser les femmes qui sont enceintes, la fusion de l'intérieur qui crée l'embryon c'est bien parce qu'on est deux et donc deux responsables... Et en tant que jeune femme, je suis fière d'être dans un pays où je peux avoir le choix de ma contraception (même si on est plus ou moins bien informé parce que les hormones de la pilule, du patch et du stérilet, merci !), et libre de mon corps en choisissant si je veux être enceinte ou non. Et je suis responsable de ma contraception avec mon partenaire ! Même si on a un coup d'un soir (ce qui n'était pas la cas ici), on met au courant l'autre de comment ça se passe et on choisit ensemble comment on se protège ! Et quand la contraception ne marche pas, ce qui est le cas plus souvent qu'on ne le pense, c'est à nous de nous débrouiller mais cet acte, il n'est ni prémédité, ni solitaire !
D'ailleurs, pour les plus extrêmes qui pensent à l'âme du bébé, je leur répondrai : "J'ai retiré mon AMAS DE CELLULE de quelques MILLIMÈTRES de mon utérus, rien n'a pu s'être formé encore." Et quand bien même une femme avorte un peu plus tard, c'est son choix, c'est NOTRE choix. J'ai été très triste de vivre cet événement car j'ai toujours ÉNORMÉMENT voulu des enfants et encore aujourd'hui... Depuis toujours, même quand mes ami-e-s disaient "Ah non les enfants ça crie et il faut s'en occuper !", je leur répondais que je comptais bien en avoir des enfants, car j'étais et je suis toujours persuadée que c'est une chose merveilleuse que la grossesse et une aventure pleine de rebondissements que d'élever des enfants. Bref, j'attendais et j'attends toujours ce moment avec excitation, mais ce sera seulement quand je serai prête. Ou même si c'est un moment où je ne m'y attends pas, ce sera mon choix. Vivre ce premier début de grossesse était à la fois éprouvant psychologiquement et décevant par rapport à ce que j'attendais d'une première grossesse (vraiment... je sentais comme si j'avais raté l'opportunité de rendre ça unique et magique...). Et maintenant que cela fait plus d'un an, que j'ai su bien réagir et que j'ai bien repris du poil de la bête, je me sens d'autant plus reliée aux femmes en général. Une femme sur trois en France avorte. "Prenez trois de vos copines et une d'entre elles a avorté ou avortera !" me disait la gynéco. Je fais partie de celles-la. Je suis la troisième copine. Et peut-être vous aussi un jour. Et si ce n'est pas le cas (ce que je vous souhaite) gardez ce chiffre en tête...
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