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"On m'a regardé de haut et j'ai eu honte de ma douleur et de ce qu'il se passait da

  • Lucie
  • 7 juin 2017
  • 4 min de lecture

L'été de mes 19 ans, j'ai appris que j'étais enceinte. Accompagnée de mes amies, à qui j'avais parlé de mes symptômes récents, j'ai fait deux tests de grossesse positifs. C'était un samedi après-midi, donc impossible de contacter le planning familial. Un problème se posait : celui du temps. Je commençais mon job d'été le lundi même, partant à 5h30 le matin pour rentrer le soir à 17h, l'heure de fermeture du planning. En plus, je travaillais en Suisse, et ne pouvais passer aucun appel durant mes pauses à cause du réseau. C'est donc ces mêmes amies qui sont allées prendre rendez-vous pour moi, mais elles n'ont pas eu le droit. Elles m'ont attendues devant l'hôpital le temps que je rentre du travail, j'étais sur mon vélo, j'ai roulé aussi vite que possible, et il était 16h55 quand je suis arrivée. On a couru pour accéder au service, nous sommes arrivées essoufflées, devant la secrétaire qui n'a pas voulu me parler au départ car elle avait fini sa journée. A force d'insister, j'ai pu prendre rendez-vous pour le lendemain, à condition que je vienne avec une échographie pour savoir où j'en étais. Elle m'a posée quelques questions pour faire mon dossier, manifestant son impatience. Quand je lui ai dit que mes dernières règles étaient il y a deux ou trois mois, elle semblait outrée par mon manque de rigueur quant à la gestion de mon cycle. Ben oui, à 19 ans, je n'avais encore jamais eu de règles régulières, je passais parfois cinq mois sans les avoir, donc ça ne m'avait pas inquiétée. Par chance, le soir même mon médecin habituel était ouvert et prêt a me recevoir tout de suite, il m'a fait une échographie, j'étais a 6 ou 7 semaines. Il était adorable et n'a pas voulu que je paye car j'étais rattachée à mes parents pour la sécurite sociale ; ils n'étaient pas encore au courant. Le lendemain, j'ai raté le travail, je suis allée faire trois rendez-vous, accompagnée par ma soeur. Chaque rendez-vous (gynécologue - anesthésiste et secrétaire) furent extrêmement rapides, expéditifs, et pourtant j'ai passé la journée à attendre de pouvoir voir les médecins. Arrivée à l'infirmière/secrétaire (mystère), j'ai cru tomber de haut : mon "ordonnance" d'IVG faite par le médecin généraliste n'exprimait pas assez clairement mon désir d'IVG, donc je devais en refaire faire une, car ça rallongeait le délais d'une semaine. J'ai dû y retourner, et leur redonner une feuille, tout ça en course contre la montre pour arriver avant la fermeture. Quand j'ai procédé au paiement, le même jour encore, ma carte vitale ne passait pas, cela faisait un an que j'allais consulter en étant mal enregistrée à ma mutuelle étudiante, et je devais régler le problème, dans quoi je n'avais pas le droit de prendre rendez-vous (comme si c'était de ma faute). Donc, le mercredi, j'ai dû aller a la mutuelle, refaire les papiers, avouer tout à mes parents car je ne pouvais pas régler le problème sans leur demander des documents. Heureusement, ils sont très compréhensifs et ont fait leur possible pour m'aider. J'ai donc pu enfin prendre rendez-vous pour la semaine suivante. J'ai passé la journée a l'hôpital, avec une autre fille dans la chambre. Elle était au tout début de sa grossesse, moi à presque huit semaines. Une fois le Cytotec pris, j'ai saigné, j'ai vomi et éjecté tout ce que je pouvais de mon corps, j'ai crié de douleur, tout ça sous les yeux d'une femme que je ne connaissais pas. J'étais en tenue d'hôpital, les fesses exposées et, évidemment, les sous-vêtements et les draps pleins de sang. J'aurais voulu être seule mais impossible de m'isoler. J'ai fini par éjecter l'embryon, dans une bassine comme on me l'avait demandé. J'ai donc été obligée de constater que celui-ci avait des petits doigts et des petits pieds, je m'en serais passée. Mais ce n'était toujours pas fini, j'ai dû aller voir une autre gynécologue (encore une autre personne) pour voir si tout s'était bien passé. Malheureusement pour moi, il restait du placenta accroché au col de l'utérus. Sans aucune mise en garde préalable de la part du médecin, j'ai donc vécu la pire sensation que j'ai connue jusqu'à aujourd'hui : celle de la pince en métal grattant contre cet organe. J'ai pleuré, j'avais peur et mal, et j'ai juste eu droit à une réflexion sur mon manque de résistance a la douleur. Je remercie encore la sage-femme à côté de moi qui a eu la gentillesse de me tenir la main à ce moment-là. J'ai pu partir vers 16 heures, sonnée par les anti-douleurs et la fatigue. Je précise encore que j'ai vu au moins cinq personnes différentes à qui j'ai répété les circonstances de l'acte de la fécondation. J'avais pris une pilule d'urgence pour la première fois de ma vie et elle n'avait pas fonctionné. Je me suis sentie jugée par certains médecins ou infirmières qui me faisaient la morale sur les rapports non protégés. J'étais au courant des risques, j'ai eu l'impression d'être considérée comme une fille "facile", une insouciante, alors que je connaissais mon partenaire. Et si je l'avais été, ca aurait changé quoi ? J'ai eu honte de ma sexualité après ça, je n'étais déjà pas très confiante, mais ça a été un choc de me faire regarder de haut par autant de personnes compétentes, soit disant. J'ai 21 ans aujourd'hui et cela fait un an que j'ai repris confiance en moi. J'ai pleuré plusieurs fois avec mon ex-copain car j'avais peur que ça recommence malgré les contraceptions utilisées. En parlant de contraception, après l'IVG, une gynécologue a voulu me prescrire la pilule. Je voulais un stérilet, je n'aime pas les hormones, ça me fait grossir et me déprime, mais elle m'a obligé d'essayer à nouveau. Je l'ai prise six mois et j'ai mis un stérilet chez un autre médecin, je ne trouve pas normal qu'on ne m'ait pas laissé le choix tout de suite, sachant que je connaissais les effets de la pilule sur mon corps. Merci Marinette de parler de ce sujet si peu abordé de cette façon. Mon témoignage était long et il y aurait encore des choses à dire, mais l'essentiel est transmis.


 
 
 

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